[OPINION] Guillaume Ducongé, cofondateur de la société Audiovisit, raconte son tour des musées “l’amour de l’art”, à vélo

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Temps de lecture : 7 min

Guillaume Ducongé, cofondateur de la société Audiovisit, s’est lancé dans un tour des musées à vélo (sans assistance !) le 9 juin 2024 au départ du macLYON. Il s’est fixé comme objectif de rejoindre Monaco le 6 juillet prochain pour l’ouverture de l’exposition « Turner, le sublime héritage » au Grimaldi Forum. Il publie un reportage vidéo de chacune de ses visites de musées sur ses comptes LinkedIn et Instagram depuis son départ. Il nous a accordé un entretien ce week-end.

CLIC : Pour quelles raisons vous êtes-vous lancé dans ce périple à vélo ? Et pourquoi l’avoir intitulé « L’amour de l’art Tour » ?

Guillaume Ducongé : J’ai entrepris en janvier 2023 un master en formation continue à l’Université Lyon-2. À l’issue des derniers cours, en mai 2024, je me suis retrouvé face à une période de 3 mois durant laquelle j’allais devoir rédiger et rendre mon mémoire de fin d’études. Désireux de réaliser une enquête de terrain, j’ai décidé d’allier recherche universitaire et défi sportif. Je me suis dit que j’allais reprendre une activité professionnelle à un rythme intensif en septembre, et que j’avais devant moi une fenêtre temporelle à saisir pour vivre une expérience unique.

Pour ce qui est de « l’amour de l’art », c’est une manière de rendre hommage à l’ouvrage de Pierre Bourdieu et Alain Darbel paru en 1966 qui fut la première étude sociologique d’envergure sur les publics des musées. Cette démarche d’étude des publics m’a toujours passionnée depuis le lancement de Audiovisit en 2002.

CLIC : Votre objectif est uniquement de visiter des musées ou cela va plus loin ?

Guillaume Ducongé : La visite des musées est presque secondaire. Je le fais plutôt par plaisir, et pour rendre compte de mon voyage. Ce qui m’intéresse au premier chef, c’est de m’entretenir avec des chef·fes d’établissements ou des responsables de services des publics. Je les interroge sur la notion d’accompagnement à la visite, selon un protocole d’enquête précis. Chaque entretien dure environ 1 h 30.

CLIC : Pourquoi parlez-vous d’accompagnement à la visite plutôt que de médiation culturelle qui semble une notion plus fréquemment utilisée ?

Guillaume Ducongé : C’est volontaire. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas uniquement le rapport à l’œuvre, mais tout ce qui concourt à l’accompagnement du visiteur in situ. Lorsqu’on parle d’accompagnement à la visite, les professionnel·les que j’ai rencontré·es intègrent ce qu’on englobe généralement dans l’offre de méditation culturelle, mais aussi l’accueil, les agents dans les salles, ou encore le site internet. L’accompagnement à la visite n’est pas pour autant plus large que la médiation, car cette dernière inclut la programmation culturelle par exemple que, personnellement, je n’intègre pas à l’accompagnement à la visite. Ce sont donc 2 notions avec des périmètres différents, mais qui se recoupent.

CLIC : En tant que fondateur de Audiovisit, vous êtes surtout reconnu comme un expert de la conception d’audioguides. Pourquoi élargir vos recherches à l’accompagnement à la visite ?

Guullaume Ducongé : Ce qui m’intéresse, c’est d’interroger les stratégies, mais aussi les représentations des professionnel·les des musées. Réfléchir à l’audioguide, c’est réfléchir à la transmission des connaissances, mais aussi à l’accueil, au guidage dans les espaces, au confort de visite, et à la sociologie de ses publics. Cette manière de réfléchir à son offre d’audioguide, on peut aussi l’appliquer aux textes de salles, aux guides de visite, aux visites guidées… Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre les enjeux qui traversent chaque dispositif, pour mieux comprendre comment l’audioguide se situe au sein de cette pluralité d’offres.

CLIC : Cette question de l’accompagnement à la visite ne fait-elle pas déjà l’objet de nombreuses études ?

Guillaume Ducongé : Il est fréquent que des chercheurs s’intéressent à un dispositif spécifique dans un musée. Certains musées réalisent des études de publics qui leur permettent de connaître la sociologie de leur public et ses attentes. Mais la question de comment se font les arbitrages en matière de dispositifs d’accompagnement à la visite est très peu posée.

Par ailleurs, en réalisant cette enquête, je souhaitais plus particulièrement interroger l’image que les professionnel·les ont de l’audioguide. Car pour ce qui est des visiteurs de musées, on sait assez bien grâce aux études d’Audiovisit et de GECE ce que pensent les visiteurs de musées de l’audioguide.

CLIC : Pouvez-vous déjà nous dire ce qu’il ressort de votre enquête ?

Guillaume Ducongé : C’est trop tôt. Et si mes futur·es interviewé·es lisaient ces propos, ce que je dirais ici constituerait un biais !

CLIC : Vous êtes à la moitié de votre périple. Comment cela s’est-il passé et qu’en retirez-vous à ce stade ?

Guillaume Ducongé : J’ai parcouru 564 km depuis mon départ du macLYON. Je pensais avoir commencé par le plus difficile en franchissant à 2 reprises le massif de la Chartreuse pour rejoindre Chambéry puis Grenoble, mais la deuxième semaine m’a rappelé que rouler sur du plat sous la chaleur et avec du vent de face n’était pas ma tasse de thé ! La logistique avec un vélo, une remorque, un ordinateur, un enregistreur audio et mes effets personnels prend plus de temps que je ne pensais. Sans compter les montages de vidéos, même si je les effectue de manière très spontanée sur mon smartphone.

J’ai réalisé 7 entretiens dans des musées. Ce qui m’a le plus marqué, c’est la passion qui anime les professionnel·les que j’ai rencontré·es. En plus d’être particulièrement accueillant·es (le fait d’être à vélo est un plus !), chaque personne en charge des publics a une connaissance approfondie et un regard critique sur les dispositifs mis en œuvre par son établissement. Je constate que si elles ont peu de temps à consacrer à la veille (même si elles ont été nombreuses à citer le site du CLIC comme une source précieuse), elles visitent très fréquemment des musées et expositions à titre personnel, mais toujours avec leurs lunettes de professionnel·les. Cette démarche enrichit l’expertise qu’elles développent en interne.

CLIC : Est-ce que certains dispositifs d’accompagnement à la visite vous ont marqué plus que d’autres ?

Guillaume Ducongé : De manière générale, j’ai trouvé les textes de salles et cartels développés très didactiques. J’ai l’impression que les services de publics sont de plus en plus consultés sur les textes dont ils ne sont pas à l’origine. J’ai bien aimé que les textes de l’exposition « Rêveries de promeneurs solitaires. Olivier Bernex — Jean Jacques Rousseau » au musée des beaux-arts de Chambéry soient signés de leurs auteur·rices, et que les passages essentiels soient en gras pour une lecture plus rapide. Dans ce même musée, j’ai trouvé intéressant que des QR codes renvoient vers de courtes vidéos à la manière du cultissime Palettes, même s’il faut admettre que le nombre de vues des vidéos reste modeste. J’ai beaucoup aimé les grands panneaux « Les coulisses du musée » de Valence qui expliquent les étapes de la restauration de 2 tableaux. Idem pour la mention sur les cartels des « œuvres récupérées en 1945 » aux musées de Valence et Grenoble.

En matière d’audioguides, j’ai apprécié le contenu de la visite audio du musée de la chaussure de Romans-sur-Isère. Il y a tellement peu de textes dans le musée, que l’audioguide est vraiment indispensable. Enfin, je suis curieux de réinterroger dans quelques mois la directrice du musée d’Alba la Romaine sur la réception par le public de leurs contenus audio traduits et « vocalisés » en 9 langues par une IA.

CLIC : Dans la présentation de votre projet de tour des musées, vous parlez de l’IA justement. Comment abordez-vous la question ?

Guillaume Ducongé : Effectivement. Quand vous concevez des audioguides, vous vous interrogez nécessairement sur l’impact de l’IA sur les différents métiers de la chaîne de production (écriture, traduction, voix) d’un audioguide. Je pressens que très bientôt un discours du type « on peut réaliser un audioguide 100 % en IA » va tenter de s’imposer. C’est la raison principale pour laquelle j’interroge mes interlocuteur·rices sur leur utilisation de l’AI dans leur pratique professionnelle, pour comprendre leur maturité par rapport à cette révolution. À ce stade, je dois dire que la quasi-totalité des personnes que j’ai rencontrées est encore très éloignée de l’IA.

CLIC : Partagerez-vous les résultats de votre recherche ?

Guillaume Ducongé : Oui, à celles et ceux qui voudront en prendre connaissance. Avec plaisir !

Les 10 premiers jours sur Instagram: jour 1, jour 2, jour 3, jour 4, jour 5, jour 7 et jour 9.

  • A propos du “‘ ‘” du 9 juin au 6 juillet 2024

Le 9 juin 2024, Guillaume Ducongé a pris la route à vélo pour un périple de Lyon à Monaco. Au programme : 1000 km, 15 expositions et 10 rencontres professionnelles.

Objectif : Finaliser sa recherche universitaire dans le cadre de mon diplôme de « direction de projets et établissements culturels ». Ce voyage est motivé par le désir d’échanger avec des professionnels des musées sur l’accueil des publics et les enjeux de médiation culturelle. Les discussions porteront sur les dispositifs de visite embarquée, de la médiation in situ et à distance, ou encore la conception des contenus à l’ère de l’IA. Une occasion en or pour faire le point sur ce que plébiscitent les publics, sur les initiatives dont les musées sont fiers, tout en imaginant le futur de la visite.

10 étapes clés du parcours : Chambéry, Grenoble, Valence, Avignon, Arles, Aix en Provence, Marseille, Toulon, Cannes/Le Cannet, Nice et Monaco. Guillaume Ducongé y arrivera le jour du vernissage de l’exposition « Turner, le sublime héritage » au Grimaldi Forum Monaco.

Comptes LinkedIn et Instagram de Guillaume Ducongé

Le CLIC partagera évidemment les résultats de la recherche de Guillaume dès qu’ils seront disponibles.

Le CLIC souhaite bonne route à Guillaume pour la seconde partie de son périple d’un mois !

SOURCE: CLIC, Guillaume Ducongé 

PHOTOS: Guillaume Ducongé 

PHOTO du carrousel: départ de Lyon le 9 juin 2024

Date de première publication: 24/06/2024

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rnci 24 replay

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