En octobre 2018, Christie’s New York va vendre aux enchères une première œuvre créée par un algorithme

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Durant l’automne 2018, dans le cadre de ses réflexions sur l’art et le numérique, Christie’s deviendra la première grande maison d’enchères à vendre une œuvre créée par un algorithme. L’oeuvre numérique, estimée entre 7 000 et 10 000 dollars, sera incluse dans la vente aux enchères Prints & Multiples de New York, du 23 au 25 ​​octobre 2018. 

[ACTUALISATION] Pour la première fois, Christie’s mettait en vente un tableau “peint” par un programme d’intelligence artificielle. Le portait d’un personnage fictif, Edmond de Belamy, issu d’une série produite par le collectif français Obvious. Sa vente jeudi 25 octobre 2018 a été un grand succès : estimé 7000 dollars, il a été adjugé pour 432.500 dollars. Le nom de l’acheteur n’est pas encore connu.

Si l’expérience a des précédents, c’est la première fois que l’œuvre d’un programme informatique intègre les salles de vente. Une opération qui a propulsé le collectif Obvious sur le devant de la scène.  “Au début, notre projet était innocent, on ne s’attendait pas à obtenir une pareille exposition médiatique.”, explique Hugo Caselles-Dupré, membre du collectif Obvious et doctorant en machine learning (c’est à dire donner la capacité aux machines d’apprendre). Si les œuvres d’art intégrant l’intelligence artificielle sont encore peu nombreuses, l’intérêt des marchands d’art est croissant. Pourtant, le potentiel créatif d’un programme informatique questionne… (Lire l’article sur le site france.tv)

L’œuvre s’intitule Portrait d’Edmond de Belamy et a été conçue par le collectif artistique français Obvious

Edmond de Belamy, which goes on sale at Christie's in New York in October, hangs in the auction house's London Gallery in July
Le tableau Edmond de Belamy, vendu par Christie’s New York en Octobre 2018, présenté à la galerie Christie’s de Londres en juillet 2018 (c) Christie’s

Le portrait représente un homme, peut-être français et sans doute un homme d’église, à en juger par sa redingote sombre et son col blanc uni. Le travail semble inachevé: les traits du visage sont quelque peu indistincts et il y a des zones vierges de la toile.

Le portrait n’est pas le produit d’un esprit humain. Il fait partie d’un groupe de 11 portraits uniques de la famille fictive Belamy conçue par les 3 membres du collectif, Hugo Caselles-Dupré, Pierre Fautrel et Gauthier Vernier, tous âgés de 25 ans.

Hugo Caselles-Dupré, co-fondateur d’Obvious, décrit ainsi le processus: “Cette nouvelle technologie nous permet d’expérimenter la notion de créativité pour une machine, et le parallèle avec le rôle de l’artiste dans le processus de création. L’approche invite l’observateur à considérer et à évaluer les similarités et les distinctions entre les mécanismes du cerveau humain, tels que le processus créatif et ceux d’un algorithme. Nous souhaitons mettre l’accent sur le parallèle entre les paramètres d’entrée utilisés pour l’entraînement d’un algorithme et l’expertise et les influences qui façonnent le style d’un artiste. Surtout, nous voulons que le spectateur se concentre sur le processus créatif: un algorithme fonctionne généralement en reproduisant le comportement humain, mais il apprend en utilisant un chemin qui lui est propre.” 

Le processus de création

Depuis 1 an, Obvious étudie l’interface entre l’art et l’intelligence artificielle en utilisant une méthode appelée «réseau contradictoire génératif» ou GAN. Cette série, appelée “La Famille de Belamy”, a été nommée en hommage à l’inventeur des GAN, Ian Goodfellow (“Goodfellow” est traduit en français).

La famille de Belamy — all the portraits in GAN’s fictitious Belamy family tree. Image © Obvious
La famille de Belamy, les 11 portraits créés par l’intelligence artificielle (c) Obvious

Créé par un algorithme composé de deux parties, The Generator et le Discriminator, le système a été alimenté par un ensemble de données de 15 000 portraits classiques peints entre le XVème et le XIXème siècle. Le style et les caractéristiques des images ont ensuite été analysés. Puis le générateur a créé de nouvelles images basées sur l’ensemble des portraits et le discriminateur a examiné toutes les hypothèses jusqu’à ce qu’il considère le résultat comme impossible à attribuer à un humain ou à un algorithme.

L’oeuvre proposée dans la vente d’octobre 2018 est Edmond de Belamy, le plus jeune membre de la famille mais également la création la plus récente de l’algorithme.


Fin janvier 2017, le collectif avait généré sa première œuvre par algorithme, « Le Comte de Belamy ». Aujourd’hui exposé à l’École 42, le tableau a été mis à prix sur eBay à 10 000 euros avant d’être acheté par Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l’Institut des Carrières Artistiques (ICART) et collectionneur d’art.

“Nous générons un tableau à la fois pour le moment, c’est un processus long et très coûteux, surtout quand tout est fait en autofinancement !” explique Pierre Fautrel.

Portrait of Le Comte de Belamy, 2018, head of the fictitious Belamy family (and Edmond de Belamys great grandfather) created by the GAN ‘mind’ © Obvious
Portrait du Comte de Belamy, 2018, patriarche de la famille imaginaire Belamy family (et arrière grand père d’Edmond de Belamy) © Obvious
Portrait of La Comtesse de Belamy, 2018, the fictitious wife of Le Comte © Obvious
Portrait de La Comtesse de Belamy, 2018, femme du Comte © Obvious

En juillet 2018, le collectif Obvious a participé au festival l’Échappée Volée.

Les réflexions de Christie’s autour de l’art numérique

En juillet 2018, Christie’s London a organisé un symposium sur les implications profondes de la blockchain pour les artistes et les collectionneurs. Cette conférence inaugurale sur la technologie va devenir un événement annuel, et l’IA sera probablement l’un des prochains thèmes explorés. 

En octobre 2018, lorsque le Portrait d’Edmond de Belamy sera mis en vente lors de la vente Prints & Multiples, il marquera l’arrivée de l’art AI sur la scène mondiale.

Richard Lloyd, responsable international des estampes et des multiples, explique ainsi: “Christie’s est continuellement au fait des changements sur le marché de l’art et de la manière dont la technologie peut influer sur la création et la consommation d’art. L’IA a déjà été intégrée en tant qu’outil par des artistes contemporains et, à mesure que cette technologie se développe, nous sommes ravis de participer à ces conversations continues. Pour mieux participer au dialogue, nous offrons aujourd’hui une plate-forme publique pour exposer une œuvre d’art entièrement réalisée par un algorithme.”

Le produit de la vente de ce tableau servira à faire avancer la recherche collective sur la création par algorithme et à financer la puissance de calcul nécessaire à la production de ce type d’œuvres.

Cette future vente et le travail créatif du collectif Obvious ont fait l’objet d’un article important du magazine Time le 20 août 2018: “The Painter Behind These Artworks Is an AI Program. Do They Still Count as Art?”

En avril 2016, un tableau de Rembrandt créé par algorythmes avait été présenté à Amsterdam (Lire l’article du CLIC France: Un «nouveau» Rembrandt conçu par les algorythmes et imprimé en 3D)

SOURCES: Christies, Obvious, Time, ADN

Photos: © Christie’s Images Limited 2018

Date de première publication: 21/08/2018

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